Le contrôle fiscal à l’ère du FEC - Edition 2023

Les mutations à l'œuvre dans les fonctions comptables et financières, la complexité des règles fiscales ainsi que leur constante évolution sont à l'origine d'erreurs dans les comptabilités des entreprises. De plus, la lutte contre la fraude fiscale et le renforcement du rendement du contrôle fiscal demeurent une priorité pour l'État, dont le budget est étroitement surveillé. A la perspective d'un contrôle fiscal, il est donc naturel que ce dernier ne soit pas considéré comme une simple formalité.

Cela est d'autant plus vrai que l'Administration a considérablement fait évoluer ses méthodes ces dernières années. Bercy a instauré le dispositif d'une « nouvelle relation de confiance » entre l'Administration et les entreprises (loi ESSOC). Pour cela le ministère propose entre autres la mise en place d'un « partenariat fiscal » ou d'un « accompagnement fiscal personnalisé ».

Mais le principal changement réside sans doute dans la digitalisation croissante de la fiscalité, et par là même du contrôle fiscal. Et cette digitalisation s'est accélérée en 2014 avec l'introduction du Fichier des Écritures Comptables (FEC).

Désormais dotés de nouveaux modes d'intervention et d'outils d'exploration des données (data-mining), les possibilités d'investigation des vérificateurs ont été décuplées. Pour les entreprises, des évolutions s'imposent également afin d'être en mesure de se préparer correctement à un contrôle fiscal à l'ère du FEC.

 

La genèse du FEC et la montée en puissance du contrôle fiscal digitalisé

La digitalisation du contrôle fiscal est une ambition forte de l’Administration depuis plusieurs années. L’introduction du Fichier des Écritures Comptables constitue une étape majeure de cette stratégie. Elle rend possible la mise en place de contrôles exhaustifs à distance, reposant sur l’analyse des données contenues dans ce fichier, que les entreprises doivent désormais être en mesure de présenter rapidement.

 

Le contrôle fiscal avant l’introduction du FEC

Dès les années 1980, alors que l’utilisation des outils informatiques par les entreprises va croissante, l’administration fiscale s’adapte et se dote de moyens de contrôle adéquats. Ainsi en 1982, la notion de Contrôle Fiscal des Comptabilités Informatisées (CFCI) est définie : les vérificateurs sont autorisés à effectuer des traitements informatiques, et les premiers informaticiens rejoignent leurs rangs.

Mais, alors que la digitalisation de l’information comptable et fiscale se poursuit, la DGFiP fait face à un écueil : il n’existe pas de référentiel de présentation et d’archivage des données comptables commun aux entreprises. Se pose alors le problème de la capacité de l’Administration à exploiter des données aux formats très hétérogènes.

En 2005, l’OCDE recommande l’utilisation d’un fichier standardisé d’échange de données entre les entreprises et les administrations fiscales : le SAF-T. Le Fichier des Écritures Comptables (ou FEC), introduit en France en 2012 par la loi de finance rectificative pour 2012, en est une adaptation révisée pour se conformer aux particularités françaises et aux besoins spécifiques de la DGFiP. Ce fichier reprend l’ensemble des écritures comptables d’un exercice dans un format normé défini à l’article A47 A-1 du Livre des Procédures Fiscales (LPF). Depuis 2014, les entreprises qui tiennent leur comptabilité au moyen de systèmes informatisés doivent obligatoirement remettre leur FEC aux vérificateurs lors d’un contrôle. À la suite de ce changement majeur, les modalités de contrôle évoluent.

 

La vérification de comptabilité

Procédure « traditionnelle » du contrôle fiscal, la vérification de comptabilité se déroule dans les locaux de l'entreprise. Elle est informée au préalable par un avis de vérification de comptabilité. Le vérificateur se déplace ensuite afin d'effectuer les opérations de contrôle - qui doivent donner lieu à un débat oral et contradictoire - et vérifier l'exactitude et la sincérité des déclarations souscrites par l'entreprise.

Conformément à l’article L13 du LPF, « lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ». Depuis 2014, c'est le FEC qui constitue l'unique mode de présentation de la comptabilité des entreprises. Ce fichier doit être fourni au vérificateur au début des opérations de contrôle. Il sert de base à son travail.

 

L’examen de comptabilité, ou contrôle fiscal à distance

Dernière-née des procédures de contrôle, l'examen de comptabilité ou contrôle fiscal à distance est venu compléter l'arsenal des moyens d'investigations de la DGFiP en 2016. L'objectif est le même que la vérification de comptabilité, mais les conditions de réalisation du contrôle diffèrent.

Cette fois, le vérificateur reste à son bureau, devant son ordinateur. Comme le précise l'article L13 G du LPF, le contrôle se fait à distance. L'entreprise reçoit un avis d'examen de comptabilité et est invitée à transmettre son FEC au vérificateur. Celui-ci travaille ensuite à partir du fichier : il peut effectuer des tris, des calculs, des classements, et dispose d'un délai de 6 mois pour transmettre ses conclusions à l'organisation contrôlée.

S'il est possible de demander un rendez-vous avec son vérificateur, le dialogue avec lui se construit plutôt à partir d'échange de mails ou d'appels téléphoniques. Présentée comme une procédure moins intrusive et moins chronophage pour l’entreprise, l’examen de comptabilité fait aussi gagner du temps à l'Administration.

Le contrôle fiscal 2.0 est né.

 

Un délai de 15 jours pour transmettre son FEC

Quelle que soit la procédure de contrôle dont elle fait l'objet, l'entreprise doit être en mesure de fournir son FEC au vérificateur dans un laps de temps très court. Dans le cas d'une vérification de comptabilité comme d'un examen à distance, le contribuable doit transmettre son FEC dans un délai de quinze jours après avoir été informé du contrôle.

C'est un délai difficile à tenir si l'entreprise ne s'est pas préalablement assurée de sa capacité à produire ce fichier, et de la conformité de ce dernier aux attentes de l'Administration. Cela signifie que pour parer à toute éventualité de contrôle, les entreprises ont intérêt à générer un FEC à la fin de chaque exercice, le vérifier et l'archiver, de manière systématique.

 

Amendes et sanctions

Le non-respect de l’obligation de transmission du FEC lors d’un contrôle fiscal donne lieu à des sanctions. Les entreprises s’exposent alors à une amende de 5 000€ (Art. 1729 D du Code général des impôts).

Cette amende s’applique lorsque :

  • L’entreprise refuse de fournir son FEC,
  • Le FEC n’est pas transmis dans le délai de 15 jours,
  • Le FEC ne respecte pas les normes de format et de contenu définies par l’Administration.

Si le contrôle porte sur plusieurs exercices (généralement, trois exercices comptables sont contrôlés), cette amende peut s’appliquer pour chacun des FEC non-transmis. Dans le cas où la vérification de comptabilité aboutit à un redressement, l’amende de 5 000€ peut être remplacée par une majoration de 10% des droits mis à la charge de l’entreprise.

 

La DGFiP, précurseur sur le data-mining des données comptables

À la recherche permanente de solutions pour renforcer son action, l'Administration fiscale innove. Elle a ainsi adopté très tôt les techniques de data-mining pour faire parler la comptabilité des entreprises.

 

Une volonté de mieux cibler les dossiers et de renforcer les contrôles

Améliorer l’efficacité du contrôle fiscal est une priorité pour la DGFiP. Elle mise notamment sur la dématérialisation et l'utilisation de technologies d'analyse des données pour y parvenir. Son objectif est à la fois de mieux orienter ses opérations de contrôle, et d'accroître leur performance.

L'Administration cherche ainsi à cibler ses contrôles de manière plus précise, en se donnant les moyens d'identifier les dossiers les plus susceptibles de présenter des risques de fraudes. Ce travail de profilage est effectué par la Mission Requête et Valorisation (MRV), un bureau en charge de la programmation et de l'analyse des données, dont les effectifs ont triplé en 2018. Le but ? Diminuer le nombre de contrôles qui n'aboutissent pas à un redressement.

Elle se dote aussi de moyens pour perfectionner ses méthodes de contrôle afin de détecter plus efficacement la fraude. Disposant grâce au FEC d'un ensemble de données lui offrant une vision exhaustive sur la comptabilité des entreprises, elle a cherché à exploiter au mieux cette nouvelle source d'information.

 

L’exploration et l’analyse des données

C'est grâce au data-mining que l'Administration entend remplir ses objectifs de ciblage et de renforcement des contrôles. Ce terme recouvre les différentes technologies d'exploration de données volumineuses.

Reposant sur des algorithmes complexes, le data-mining permet non seulement d'exploiter des données sans limite de volume, mais aussi de les analyser et d'établir des corrélations entre elles de manière à en tirer des informations utiles.

C'est par exemple grâce au data-mining que la MRV est en mesure de croiser et d'exploiter des données issues de bases utilisées par la DGFiP et d'autres administrations pour déterminer les dossiers à contrôler. Ce sont aussi ces technologies qui lui permettent aujourd'hui de tirer de nombreux enseignements à partir du FEC, devenu l'outil central du contrôle fiscal informatisé.

En s'appuyant sur ces technologies d'exploration des données, les agents de la DGFiP peuvent ainsi contrôler le format du FEC, la cohérence des enregistrements comptables, et la sincérité de la comptabilité des entreprises.

Les traitements informatiques effectués par la DGFiP

Pour contrôler le FEC, l’Administration s’est dotée de son propre logiciel de data-mining, Alto 2. Il permet au vérificateur de réaliser différents traitements informatiques afin de détecter d’éventuelles anomalies. Il peut ainsi trier, filtrer, effectuer des classements et des calculs sur l’ensemble des données du FEC et lancer des requêtes spécifiques dans le fichier.

Les points qui peuvent attirer l’attention du vérificateur

Au cours de ses analyses, le vérificateur est à même de passer en revue et d'exploiter l'intégralité des écritures du FEC. Certains éléments sont tout particulièrement susceptibles d'attirer son attention. C'est le cas par exemple si le fichier comporte des ruptures de séquences dans la numérotation des écritures, allant ainsi à l'encontre des normes fixées à l'article A47 A-1 du LPF. Il peut aussi vérifier la cohérence de la comptabilité, notamment en reconstituant grâce au FEC les soldes des liasses fiscales déposées par l'entreprise.

 

Vers la systématisation des contrôles

Si le FEC est déjà au centre de l'activité des vérificateurs, sa mise en place ouvre la voie à une automatisation croissante de leurs opérations de contrôle, souhaitée par l'Administration.

Sous peu, il est ainsi probable que les entreprises aient à transmettre leur FEC de manière systématique, chaque année, en même temps qu'elles déposent leur liasse fiscale. À terme, on peut même envisager que le FEC soit fourni de manière mensuelle ou trimestrielle. L'Administration serait ainsi en mesure d'effectuer certains contrôles au fil de l'eau.

 

Les chiffres clés du contrôle fiscal en France

Chaque année, la DGFiP publie les statistiques du contrôle fiscal en France. Nous vous proposons une analyse des principaux indicateurs.

 

Les évolutions du contrôle fiscal depuis 2019

Les développements entrepris par la DGFiP se posent à la fois en tant que réponse aux comportements de fraudes, qui s’adaptent en permanence à leur environnement, et au besoin de rendement du contrôle fiscal.

En 2019, une année pourtant record pour la DGFiP, les 13,7 milliards d’euros notifiés auprès des entreprises et des particuliers se noient quelque peu dans les 80 à 100 milliards d’euros estimés de fraude fiscale. Une zone grise qu’elle entend bien éclaircir.

C’est donc sans surprise après une année à vide en 2020 à cause de la crise sanitaire, où les contrôles fiscaux ont été suspendus pendant plusieurs mois, que les résultats de 2021 atteignent quasiment les niveaux de 2019. Des résultats qui trouvent leur origine dans le data-mining : 45 % de l’ensemble des contrôles ont été engagés et diligentés suite à une analyse de données de masse, contre 32% en 2020 et 22% en 2019. Au final, ce sont 1,2 milliards d’euros de droits et de pénalités qui ont été notifiés en 2021 grâce à cette technologie.

Évolution des montants encaissés au titre du contrôle fiscal en millions d’euros - Runview

Évolution des montants encaissés au titre du contrôle fiscal en millions d’euros

Ces résultats témoignent des efforts fournis par l’Administration pour renforcer les contrôles fiscaux et croiser plus efficacement les données à sa disposition. En 2021, les montants des redressements notifiés et effectivement encaissés atteignaient respectivement 13,4 milliards et 10,7 milliards d’euros, professionnels et particuliers confondus. S’ils sont très légèrement en deçà des chiffres de 2019, certaines évolutions sont à noter. Les droits et pénalités mis en recouvrement suite à un contrôle sur place, exclusif aux entreprises, ont augmentés de 6% pour un total de 7,8 milliards d’euros. Ceux liés au contrôle sur pièces, s’adressant à tous les contribuables, ont augmenté de pas moins de 30%, atteignant ainsi 5,6 milliards d’euros.

Focus sur les contrôles des professionnels

Comme pour les années précédentes, ce sont l’impôt sur les sociétés (3 milliards d’euros) et la TVA (3,7 milliards d’euros, dont 2,1 milliards au titre des remboursements de crédits de TVA) qui constituent la majeure partie des redressements liés aux entreprises.

Selon les statistiques de l'Administration, le croisement des données, effectué dans la perspective de mieux cibler l'action des agents de l'Administration, a donné lieu en 2021 à 112 759 contrôles sur pièces des professionnels et 27 550 dans les locaux des entreprises. Au total, ce sont près de 290 000 contrôles qui ont été menés auprès des professionnels, toutes procédures confondues.

 

De nouveaux records en 2022

L’année dernière, ce sont les montants mis en recouvrement après contrôle fiscal des contribuables qui ont atteint de nouveaux sommets. Avec une augmentation de 8,2% par rapport à 2021, soit 1,2 milliards d’euros supplémentaires, ils chiffrent désormais à 14,6 milliards d’euros.

Le contrôle fiscal sur place des entreprises a engendré 1 milliard d’euros additionnel d’encaissements, et celui sur pièces des contribuables, 200 millions d’euros de plus.

A nouveau, la volonté de la DGFiP de moderniser ses contrôles est évidente, et les résultats le prouvent. En 2022, 52% des contrôles ont été engagés grâce au data-mining, faisant ainsi passer la part des droits et pénalités suite à l’analyse de données à 2 milliards d’euros, une augmentation de 67% par rapport à 2021.

Evolution de la part du data-mining dans les contrôles fiscaux - Livre Blanc Cash

Évolution des montants encaissés au titre du contrôle fiscal en millions d’euros

 

Anticiper un contrôle fiscal par des analyses préventives sur le FEC

Pour se préparer au contrôle fiscal nouvelle génération, les entreprises cherchent à se placer sur un pied d'égalité avec l'administration fiscale. La solution réside dans la mise en place d'analyses en amont afin de fiabiliser leur Fichier des Écritures Comptables et de limiter leurs risques.

 

Les entreprises emboîtent le pas du vérificateur

En analysant le FEC, les agents de la DGFiP peuvent désormais passer en revue l'exhaustivité des écritures comptables d'un exercice. Grâce au data-mining, ils sont en mesure d'identifier des incohérences ou des erreurs qui étaient potentiellement plus difficiles à déceler auparavant. L'enjeu est de taille pour les entreprises : pour éviter de lourds redressements, il est indispensable de s'adapter.

Elles cherchent donc à se doter des mêmes armes que le vérificateur afin de pouvoir elles aussi faire parler leur comptabilité. L'analyse des FEC s'ancre progressivement dans leurs pratiques.

 

Soumettre son FEC à un « pré-contrôle fiscal »

Pour éviter toute mauvaise surprise lors des contrôles, et ne pas être confrontée aux questions du vérificateur sans y être préparée, chaque entreprise a tout intérêt à contrôler elle-même son FEC. Ce travail d'analyse approfondi permet de s'assurer, en amont de tout contrôle, que le fichier ne comporte pas d'anomalies. Et le cas échéant, de pouvoir les corriger ou préparer des explications à adresser au vérificateur.

Dans un effort d'accompagnement, l'Administration propose d'ailleurs elle-même la possibilité de vérifier le FEC : elle a ainsi mis à la disposition des entreprises un outil dénommé « Test Compta Demat ». Ce logiciel téléchargeable en ligne permet, selon la DGFiP, de vérifier le respect par le fichier des normes édictées à l'article A47 A-1 du LPF.

Il a le mérite d'exister et d'être relativement facile d'utilisation. Mais Test Compta Demat présente certaines insuffisances pour qui souhaite être pleinement préparé à un contrôle fiscal. Il permet seulement de réaliser des tests de structure. En outre, ses résultats ne donnent pas forcément toutes les informations nécessaires pour retrouver l'origine des éventuelles anomalies... D'autres outils de test du FEC plus élaborés permettent cependant de dépasser ces limites, et de soumettre le fichier à un véritable « pré-contrôle fiscal ».

 

Tester la conformité technique du FEC

Premier niveau d'analyse indispensable pour préparer un contrôle : s’assurer de sa capacité à générer un FEC qui respecte l'ensemble des normes exigées par l'Administration. Elles sont définies par l'arrêté du 29 juillet 2013 (arrêté portant modification des dispositions de l'article A. 47 A-1 du livre des procédures fiscales). Pour vérifier leur bonne application, il faut tester la conformité technique de son fichier.

Les normes fixées par le LPF concernent tant le format du fichier lui-même que son contenu. Il importe par exemple que l'ensemble des 18 champs exigés soient bien présents dans le FEC, que les séparateurs de champs correspondent à ceux demandés par l'Administration, ou que les dates des événements comptables soient au bon format.

Dans le cas contraire, l'entreprise encourt le risque de voir son FEC rejeté par le vérificateur. Or, si la DGFiP a fait preuve de souplesse au début de l'introduction du FEC, son niveau d'exigence en la matière a été largement réhaussé depuis.

Notre Data Analyst a effectué une étude sur plus de 10 000 FEC analysés depuis 2018 par Runview Analytics. Nos analyses prouvent qu’il n’est pas si facile d’être conforme, même en termes de format. En effet, 22,5% des fichiers analysés ne respectent pas l’ordre des noms des champs listés  dans le tableau du point VII-1° de l’Article A.47 A-1 du LPF.

 

Contrôler la qualité comptable

S'il faut se plier aux exigences de l'Administration concernant la structure du FEC, qui garantissent sa capacité à l'exploiter, les entreprises cherchent aussi à éprouver la qualité comptable de leur fichier. Celle-ci fait en effet l'objet d'une attention particulière lors des contrôles.

Il est donc recommandé d'examiner son FEC en vue de déceler d'éventuelles incohérences et de vérifier la qualité des données contenues dans le fichier. De nombreuses anomalies sont en effet susceptibles de provoquer des questions de la part du vérificateur.

C'est le cas par exemple lorsque différents libellés sont utilisés pour une seule et même écriture, ou lorsque la chronologie des dates de comptabilisation et de validation n'est pas logique. Des particularités qui peuvent survenir du fait d'une erreur de saisie, ou d'un problème de paramétrage de l'ERP par exemple. Il convient donc, en contrôlant le FEC, de s'assurer du respect des procédures comptables et de la justesse des enregistrements.

Dans 7% des FEC analysés par Runview Analytics, des alertes ont été émises concernant :

  • L'équilibre des écritures,
  • La présence et la signification du libellé de l'écriture,
  • Le respect de la chronologie entre les dates des écritures, des pièces justificatives et de validation.

 

Prévenir le risque fiscal

Pour une entreprise, tester son FEC en amont des contrôles est également une manière de se prémunir face au risque fiscal. À la suite de l'examen de la conformité du FEC, le vérificateur s'attache à déterminer si l’entreprise n’a pas indûment éludé certains impôts. Le cas échéant, il propose un redressement assorti d'éventuelles pénalités.

Or, grâce au FEC, le vérificateur peut par exemple effectuer des requêtes spécifiques concernant la TVA sur l'ensemble des écritures, ou les classer par taux de TVA. Il peut aussi aisément reconstituer une balance générale de l'entreprise et donc la comparer aux informations transmises dans sa liasse fiscale.

Les entreprises gagnent donc à explorer elles-mêmes leur FEC pour repérer par exemple des cas de TVA collectée non facturée, ou s'assurer de sa concordance avec les informations transmises dans leurs déclarations fiscales. Il s'agit pour elles d'être en mesure d'anticiper le risque en matière de TVA comme d'IS.

66,6% des FEC de notre échantillon étudié comportent des mots-clés susceptibles d’attirer l’attention du vérificateur, à l’instar de « Villa » qui apparaît dans 13% des fichiers, ou encore de « privé » dans 22%. Des tests permettent aussi de détecter de la TVA trop-déduite sur les factures fournisseurs – dont une potentielle présence a été repérée dans plus de la moitié des fichiers – ou de la TVA non collectée à tort, identifiée dans presque un FEC sur cinq.

 

Contrebalancer les rappels de taxes

Soumettre son FEC à différents tests peut aussi fournir des arguments utiles à mettre en avant au cours du contrôle. La Charte des droits et obligations du contribuable vérifié le rappelle : l’entreprise a le droit à un débat oral et contradictoire avec le vérificateur. Quelles que soient les modalités du contrôle, il est toujours possible d'échanger avec lui.

Cette discussion peut être l'occasion de vérifier que l'entreprise bénéficie bien de l'application de mécanismes - tels la règle de la cascade ou la correction symétrique des bilans - prévus pour garantir l'équilibre du contrôle fiscal. Mais le dialogue peut aussi servir à formuler certaines demandes.

C'est le cas lorsque les investigations du vérificateur le conduisent à remonter plusieurs exercices en arrière. Si l'entreprise a identifié, en explorant son FEC, des montants de TVA déductible omise au cours de l'exercice en question, elle peut solliciter l'application d'un dégrèvement afin de diminuer d'autant les rappels de taxes à régler.

 

Rédiger la notice explicative accompagnant le FEC

Pour gagner en sérénité, les entreprises ont intérêt à produire et analyser leur FEC de manière régulière. Mais elles gagneraient aussi à apporter un soin particulier au document explicatif qui peut accompagner ce fichier.

 

Qu’est-ce que c’est ?

En même temps qu'elle transmet son FEC, une entreprise contrôlée peut fournir au vérificateur un fichier complémentaire. Appelé « notice explicative » ou « document explicatif », il fournit un descriptif détaillé du FEC et apporte ainsi des informations supplémentaires sur ce fichier.

Les textes officiels sont relativement avares d'informations au sujet de cette notice. Le BOFIP, dans le paragraphe 390 du BOI -CF-IOR-60-40-20-201 70607, donne seulement quelques détails, indiquant notamment que : « Lorsque des informations contenues dans le fichier font référence à des codifications spécifiques en usage dans l'entreprise, il est nécessaire de fournir un descriptif détaillé, prévu au XI de l'article A. 47 A-1 du LPF[...] ».

Si peu d'indications sont données quant à son contenu, le BOFIP précise tout de même qu'elle peut être fournie sous format Word ou PDF par exemple. Ce qui, pour rappel, n'est pas le cas du FEC.

 

Quelle est sa finalité ?

La première fonction de la notice explicative est de fournir au vérificateur l'ensemble des informations facilitant la lecture et la compréhension du FEC de l'entreprise.

Ce document rend compte des éventuelles particularités dans la tenue de la comptabilité de l’organisation et des spécificités du FEC. En le rédigeant, l’entreprise fournit un effort de pédagogie en directions des agents de la DGFiP. L’attention portée à son élaboration peut donc être vue comme un gage de bonne foi et une première étape dans l’instauration d’un véritable dialogue avec le vérificateur.

La notice explicative peut également servir à signaler et expliciter les points du FEC qui pourraient sembler anormaux, voire suspicieux. L’entreprise peut ainsi devancer les questions du vérificateur et lui apporter de premiers éléments de réponse sur ces sujets.

 

Comment la rédiger : recommandations et modèle

Fournie au vérificateur en début de contrôle, en même temps que le FEC, la notice explicative est à rédiger avec attention. Pour élaborer ce document, il est recommandé d’y préciser :

  • Les informations de base sur l’identité de l’entreprise, l’exercice couvert par le FEC, le type de fichier,
  • Les précisions sur les formats et le type de caractères utilisés au sein du fichier (par exemple pour les séparateurs de champs),
  • Le détail des usages spécifiques de l’entreprise concernant la tenue de sa comptabilité (explication des codifications ou des systèmes de numérotation par exemple),
  • Les éventuelles anomalies présentes dans le FEC en explicitant leur origine (problème de paramétrage ou erreur de saisie notamment).

Un cas particulier concerne les entreprises ne dépassant pas certains seuils d’activité et ayant confié leur tenue comptable et le dépôt de leurs déclarations de TVA à un cabinet d’expertise-comptable. La DGFiP tolère sous certaines conditions que la validation des écritures fondant ces déclarations de TVA n’ait lieu qu’au moment du dépôt de la liasse fiscale annuelle. L’entreprise doit alors préciser dans la notice explicative de son FEC l’organisation de la tenue de sa comptabilité et les modalités d’établissements et de dépôt de ses déclarations de TVA.

De manière générale, faute de consignes précises dans la loi sur le contenu de ce document, le travail de rédaction de la notice explicative du FEC peut soulever plusieurs interrogations. Le suivi d’un modèle préétabli est un bon moyen de se faciliter la tâche.

 

Un contrôle en constante évolution

 

L’Examen de Conformité Fiscale

La loi Pacte, adoptée le 11 avril 2019, a rehaussé les seuils minimaux de certification légale des comptes des entreprises. Une vraie révolution pour les commissaires aux comptes qui perdent ainsi un nombre conséquent de mandats.

En contrepartie, ils ont été investis d'une nouvelle mission par le gouvernement. Le plan présenté en Mars 2019 par Bercy pour améliorer les relations entre l'Administration et les entreprises instaure ainsi un nouvel « Examen de Conformité Fiscale réalisé par un tiers de confiance ». Confiée dans un premier temps uniquement aux commissaires aux comptes, et depuis élargi aux experts-comptables, avocats fiscalistes et Organismes de Gestion Agréés, l’examen de conformité fiscale permet de proposer aux entreprises la réalisation d'un audit portant uniquement sur certains points fiscaux. Au travers du compte-rendu de mission, ils fournissent aux entreprises une attestation de conformité.

 

L’ECF pris en compte dans la programmation des contrôles fiscaux

Cet examen représente une opportunité de sécuriser la comptabilité et de s’assurer de sa conformité fiscale, ou d’identifier les corrections permettant d’y parvenir en amont de tout contrôle.

Ainsi, dès lors qu’une entreprise a bien tenu compte des recommandations formulées par son auditeur, elle ne pourra pas se voir réclamer de pénalités ou d’intérêts de retard sur les points validés par ce-dernier. L’ECF limite d’ailleurs le risque de contrôle en lui-même.

En Septembre 2022, lors des Universités d'été du Conseil régional de l'Ordre des experts-comptables de Paris, Patricia Sellière, chargée de mission « Relation de confiance » auprès du chef de service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal au sein de la DGFiP, a annoncé le chiffre de 110 000 ECF, précisant qu'il s'agit du nombre de cases cochées sur les liasses fiscales.

Cette nouvelle mission constitue sans nul doute un nouveau tournant dans la transformation du contrôle fiscal.